Vous venez de prêter serment ? Félicitations ! Ce passage est symbolique pour tout jeune avocat, illustrant l’acquisition d’un statut professionnel et l’engagement dans la carrière juridique. Mais cette réussite n’est que le début d’une aventure, car s’installer en libéral — que ce soit en créant son cabinet ou en travaillant en tant que collaborateur indépendant — implique de nombreuses obligations administratives, comptables, fiscales et sociales dès la première année d’exercice.
Ce guide, très détaillé, expose chacune de ces étapes et vous offre une vue approfondie de l’installation en libéral, afin que votre démarrage s’effectue en toute conformité, en évitant les pièges fréquents. Nous vous expliquons également pourquoi l’accompagnement d’un expert-comptable spécialisé est un vrai atout pour sécuriser vos démarches et optimiser la gestion de votre cabinet.
Sommaire
L’avocat libéral : statut et obligations essentielles
Dès l’inscription au tableau de l’Ordre, vous exercez en tant que professionnel libéral, relevant du régime des Bénéfices Non Commerciaux (BNC). Contrairement à un salarié ou à un avocat associé d’une société, le libéral est un entrepreneur individuel dont la charge administrative, fiscale et sociale lui appartient entièrement.
Voici les principales obligations immédiates :
- Obtenir un numéro SIRET pour identifier votre activité auprès des organismes officiels (INSEE, URSSAF, CNBF).
- Tenir une comptabilité adaptée au régime BNC correspondant à une gestion en trésorerie, moins complexe qu’en société mais nécessitant une rigueur quotidienne.
- Déclarer chaque année vos revenus professionnels par le formulaire fiscal adapté.
- S’affilier à la CNBF pour vos droits retraites et prévoyances (la CNBF s’occupe des avocats uniquement).
- Vous enregistrer auprès de l’URSSAF, qui gère les obligations en matière de sécurité sociale, maladie, CSG-CRDS, allocations.
Cette liste d’obligations incombe à tous les avocats libéraux, y compris les collaborateurs. L’omission ou le retard dans une démarche, même au démarrage, peut entraîner des sanctions ou des régularisations coûteuses.
Choix du statut juridique : EI ou société d’exercice ?
EI – Entrepreneur Individuel
L’exercice en nom propre (EI) est le choix le plus courant à l’installation. Depuis 2022, la réforme a instauré une protection du patrimoine personnel automatiquement. Cela signifie qu’en cas de difficultés professionnelles, vos biens privés ne pourront pas être saisis pour le paiement de dettes professionnelles, sauf fraude ou manquement grave.
Caractéristiques :
- Immatriculation simplifiée, déclaration d’activité via l’INPI.
- Organisation comptable légère : seuls les flux de trésorerie sont suivis (recettes encaissées, dépenses payées) ;
- Fiscalité sur le revenu : l’intégralité du bénéfice professionnel (après déductions) est imposée à l’IR dans la catégorie BNC.
L’EI convient parfaitement pour démarrer sans contraintes administratives lourdes, tout en gardant la possibilité de faire évoluer le statut vers une société selon le développement futur du cabinet.
SEL : Société d’exercice libéral
À moyen ou long terme, le passage en société peut avoir de vrais avantages :
- Intérêt fiscal : l’imposition se fait à l’impôt sur les sociétés (IS), ce qui permet parfois, selon vos revenus, de réduire la charge fiscale et d’optimiser les placements.
- Structure plus souple pour s’associer : la SEL permet d’intégrer des associés (avocats ou autres professionnels du droit), de mutualiser les moyens et d’organiser la transmission du cabinet.
- Obligations accrues : comptabilité d’engagement (prise en compte des créances et dettes), établissement de bilans, comptes de résultat et dépôt annuel auprès du greffe.
Il existe différentes structures (SELARL, SELAS…). Ce passage nécessite réflexion et anticipation : comparez toujours le coût administratif, fiscal et social avec ceux de l’EI pour évaluer le vrai gain potentiel.
Pour une analyse plus approfondie sur les sociétés d’exercice libéral et leurs spécificités (avantages, risques, fiscalité), consultez notre article
Démarches administratives à l’installation
Guichet unique de l’INPI
Depuis janvier 2023, toutes les formalités de création ou de modification d’activité (immatriculation, radiation, modification) s’effectuent en ligne sur le guichet unique de l’INPI. Cette étape permet d’obtenir le numéro SIRET, indispensable pour facturer vos clients, ouvrir un compte bancaire professionnel et accomplir toutes les démarches auprès des organismes sociaux et fiscaux.
Affiliation à la CNBF
- Retraite : Obligatoire, même pour un avocat collaborateur. La CNBF calcule la cotisation sur la base de vos revenus, avec des forfaits minorés la première année. Au fil du temps, la cotisation est ajustée selon les revenus réels, permettant de cumuler des trimestres de retraite et d’accéder aux dispositifs de prévoyance spécifiques avocats.
- Invalidité, prévoyance : La CNBF propose un socle commun de garanties, indispensable en cas d’incapacité temporaire ou d’arrêt de travail.
Affiliation à l'URSSAF
L’URSSAF recouvre vos cotisations sociales personnelles (maladie, maternité, allocations familiales, CSG-CRDS). Ces montants sont estimés sur vos revenus déclarés, avec régularisation l’année suivante.

Obligations comptables dès la première année
Comptabilité BNC : les règles à suivre
En tant qu’avocat libéral au régime BNC, vous devez :
- Tenir un livre-journal recensant chaque recette encaissée et chaque dépense payée.
- Conserver tous les justificatifs : factures, relevés, abonnements, bordereaux CNBF/URSSAF.
- Tenir un registre des immobilisations et amortissements si vous achetez du matériel durable (ordinateur, mobilier, etc.).
La déclaration 2035 : votre obligation fiscale annuelle
Chaque année, vous devez déposer le formulaire 2035, qui reprend :
- Vos recettes encaissées.
- Vos dépenses professionnelles : loyers, charges, cotisations sociales, amortissements.
- Votre résultat fiscal (base de votre imposition IR).
Un oubli ou une erreur peut entraîner un redressement fiscal. Pour vous accompagner, consultez notre article complet :
👉 Comptabilité des avocats : choix du régime fiscal et stratégies de gestion
Le régime micro-BNC : une alternative simplifiée
Si votre chiffre d’affaires annuel est inférieur à 77 700 €, vous pouvez opter pour le régime micro-BNC :
- Déclaration simplifiée : uniquement le chiffre d’affaires encaissé.
- Abattement automatique de 34 % pour frais professionnels.
- Pas de 2035 à déposer.
Limite : aucune déduction réelle des charges, donc moins avantageux si vous avez des frais importants
Charges professionnelles déductibles : pensez à optimiser (uniquement pour le régime de la déclaration contrôlée et les SEL)
Voici les principales charges déductibles pour réduire votre impôt :
Nature et exemples de la charge
- Cotisations sociales: CNBF, URSSAF
- Loyer / coworking: Bail professionnel, domiciliation
- Abonnement professionnel: RPVA, doctrine juridique, logiciels
- Matériel: Ordinateur, imprimante, téléphone
- Déplacements: Transports, véhicule, frais kilométriques
- Formations: Colloques, ouvrages spécialisés
- Cotisations ordinales: Ordre, syndicats
- Assurance RC Pro
TVA : franchise ou régime réel ?
Franchise en base de TVA
En début d’activité, la plupart des jeunes avocats bénéficient de la franchise en base de TVA (CA < 50 000 € en 2025) :
- Aucune TVA facturée à vos clients.
- Aucune déclaration de TVA.
- Aucune récupération de TVA sur vos achats.
Sortie de la franchise : les signes à surveiller
Vous devenez assujetti si :
- Vous dépassez le seuil de franchise ;
- Vous facturez des clients dans l’UE ou à l’étranger.
Conséquences :
- TVA à facturer et à déclarer.
- Déclarations mensuelles ou trimestrielles à prévoir.
- Possibilité de récupérer la TVA sur vos achats professionnels.
Pour anticiper cette bascule, consultez notre article :
👉 Changements de régime de TVA pour les avocats : attention aux seuils
Le collaborateur libéral : un indépendant à part entière
Contrairement à un salarié, le collaborateur libéral :
- Détient un SIRET personnel.
- Émet ses propres notes d’honoraires.
- Doit déclarer ses revenus et payer ses charges sociales.
- Est responsable de sa comptabilité et de ses affiliations.
Ne négligez jamais vos obligations. En cas de contrôle URSSAF ou CNBF, vous êtes seul responsable des régularisations.
Le rôle stratégique de l’expert-comptable pour les avocats
Un expert-comptable spécialisé dans les professions libérales vous accompagne sur plusieurs plans :
Sécurisation de l’installation
- Vérifie les formalités (INPI, URSSAF, CNBF).
- Met en place votre organisation comptable.
- Choisit avec vous le statut le plus adapté (EI ou SEL).
Prévisionnel et fiscalité
- Établit un prévisionnel complet : revenus, charges, impôts.
- Simule les changements de régime (TVA, micro-BNC, passage en société).
- Optimise les déductions fiscales et sociales.
Suivi et gestion au quotidien
- S’assure du respect des échéances : 2035, TVA, cotisations.
- Vous accompagne en cas de contrôle fiscal, d’évolution juridique ou de changement de statut.
- Vous permet de vous concentrer sur l’essentiel : vos clients.
Conclusion
S’installer en libéral après l’école d’avocats, c’est faire le choix de la liberté entrepreneuriale, mais aussi assumer des responsabilités complètes :
- Gérer une comptabilité rigoureuse dès le 1er jour.
- Respecter les obligations fiscales, sociales et déclaratives.
- Anticiper les seuils de TVA et structurer ses charges.
- Ne pas négliger l’accompagnement par un professionnel du chiffre.
Avec les bons outils, un suivi comptable sérieux et l’aide d’un cabinet comme Kyonos, vous mettez toutes les chances de votre côté pour un exercice conforme, pérenne et rentable.